BandeauIndexENSGMANGéologie de la LorraineSéparateurOnglet fossilesSéparateurGroupesSéparateurLexiqueOnglet lexiqueRetour Accueil

BRYOZOAIRES

Généralités sur les Bryozoaires

Bien qu'ils constituent un groupe de métazoaires largement représenté dans la biodiversité actuelle (6000 espèces) et passée (25000 espèces fossiles répertoriées), le phylum (ou embranchement) des Bryozoaires ( = "animaux-mousses"), appelés aussi Ectoproctes, demeure un groupe relativement peu connu. Leur petitesse et leur faible intérêt économique (pour les formes actuelles) furent certainement un obstacle à leur étude. L'avènement de la microscopie électronique, d'une part, et la phylogénomique, d'autre part, ont toutefois permis une avancée dans la connaissance du groupe durant les dernières décennies.

Les bryozoaires sont des organismes aquatiques de petite taille (un individu mesure en moyenne d'un demi à un dixième de mm) vivant fixés, en colonies formées de quelques individus à plusieurs millions. Le plus souvent, les colonies constituent des tapis incrustés sur un support stable de nature variée: rocher, coquille, morceau de bois, algue... Certains édifices se développent verticalement, pouvant adopter des morphologies diverses: dendroïde (= branchue), foliacée, massive ou fenestrée (= formant un maillage). Il existe des formes actuelles d'eau douce mais la grande majorité vit en domaine marin littoral en eaux peu profondes.

Chaque individu d'une colonie est appelé zooïde (ou zoïde) ou zoécie. Celui-ci sécrète un squelette externe en carbonate de calcium ou en chitine (sous forme de gel ou solide), ayant l'aspect d'un tube ou d'une petite boîte, ouverts à une extrémité : le (ou la) cystide. De l'ouverture du cystide, sort le lophophore, appareil dédié à la nutrition (et à la respiration) par filtration de l'eau de mer et composé d'une couronne ciliée de tentacules. Le lophophore entoure la bouche reliée à un tube digestif en U dont l'autre orifice, l'anus, est en position ectoprocte, c'est-à-dire situé en dessous et en dehors du lophophore. Un opercule peut parfois obturer l'ouverture d'une logette lorsque le lophophore est rétracté à l'intérieur (fig.1 et 1bis). Le diamètre de cette ouverture peut varier de 0,05 à 1 mm selon les espèces. L'ensemble des zoécies d'une colonie constitue le zoarium (fig.2). 

Fig.1: Organisation d'un Bryozoaire colonial gymnolème actuel (genre Bowerbankia) - à gauche, aspect de la colonie; à droite, schéma de deux zooïdes grossis et vus en coupe (d'après Platel 1992)

Fig.1bis: Vue en trois dimensions de l'organisation d'un zooïde de bryozoaire phylactolème actuel (dessin d'après Platel 1992)

Les parties molles internes de l'animal (fig.1 et 1bis) forment le polypide (rattaché à la cystide dont il est issu) qui comprend en plus du lophophore, un ganglion nerveux, des organes reproducteurs sexués (organisme hermaphrodite), un muscle rétracteur du lophophore et un stolon assurant la reproduction asexuée mais aussi l'alimentation de certains individus spécialisés de la colonie qui en sont dépourvus. Par ailleurs, les bryozoaires ne possèdent ni appareil excréteur, ni appareil circulatoire ou respiratoire en tant que tels.

L'architecture d'un bryozoaire (fig.1bis) fait apparaître une symétrie bilatérale, délimitant une partie gauche et une partie droite, réparties de part et d'autre du plan sagittal passant par la bouche, l'anus, les deux branches de l'anse digestive, le ganglion nerveux et partageant la couronne de tentacules en deux moitiés égales. La bouche indique la polarité ventrale alors que l'anus est situé du côté dorsal. Enfin, le lophophore constitue le pôle antérieur, la pointe de l'estomac et la cavité coelomique cystidienne, le pôle postérieur.

Selon les auteurs, le terme de zooïde est parfois remplacé par celui de zoïte. La zoécie peut aussi désigner à la fois l'individu complet (cystide + polypide - acception utilisée ici) ou seulement la logette, c'est-à-dire le cystide, abritant le polypide.

Une colonie se développe à partir d'un seul individu issu d'une fécondation (reproduction sexuée): l'ancestrula. Ce zooïde se reproduit ensuite par bourgeonnement (reproduction asexuée) et donne naissance à tous les autres zooïdes construisant le zoarium commun (fig.2).

Fig.2 : Zoarium d'une espèce cyclostome fossile du Néocomien (Crétacé) d'Allemagne ( in Canu & Bassler 1922)

Au sein d'une colonie, les individus acquièrent des formes en rapport avec des fonctions diverses: nutrition, nettoyage, défense, reproduction, consolidation du zoarium... On peut ainsi distinguer des autozooïdes, zooïdes spécialisés dans le nourrissage des autres zooïdes, les hétérozooïdes, ayant acquis une spécialisation différente. Grâce à l'intégration de ces différentes fonctions émanant de différents individus interconnectés, la colonie peut fonctionner à la manière d'un organisme unique.

Lors de la reproduction, chez certaines formes, des hétérozooïdes spécialisés développent des ovicelles, structures particulières contenant les oeufs pondus non fécondés et observable en surface du zoarium (fig.3). Avec le diamètre de l'ouverture des zoécies, la morphologie des ovicelles constitue un critère d'identification des genres et des espèces, régulièrement utilisé en paléontologie.

Fig.3: Ovicelles chez une forme actuelle et une forme fossile de Bryozoaires cyclostomes (dessin d'après Platel 1992 ; cliché in Canu & Bassler 1922)

Phylogénie et origine des Bryozoaires

Du fait d'un partage d'attributs morpho-anatomiques dérivés communs tels que le lophophore entourant exclusivement la bouche et un tube digestif en U, Brachiopodes, Phoronidiens et Bryozoaires forment le super-phylum des Lophophorates (ou Lophophoriens) emboîté dans un ensemble plus vaste de Protostomiens, les Lophotrochozoaires, comprenant entre autres les vers et les mollusques. Cette classification phylogénique a été remise en cause avec l'apport des données moléculaires, les Lophophoriens apparaissant alors comme un clade paraphylétique (= non monophylétique), englobant des taxons résultant de convergences morpho-anatomiques non homologues. L'entreprise de nouvelles analyses phylogénétiques ces dernières années (2013-2014) a toutefois conduit à un retour au super-phylum des Lophophorates, incluant les Brachiopodes en tant que groupe frère d'un clade, partageant plusieurs caractères dérivés et réunissant Phoronidiens et Bryozoaires (fig.4).

Fig.4: Arbre phylogénétique des Lophotrochozoaires (d'après Taylor & Waeschenbach 2015 et Lecointre & Le Guyader 2006)

Parmi les bryozoaires, plusieurs lignées correspondant à trois classes se distinguent: Phylactolaemata (Phylactolèmes), Gymnolaemata (Gymnolèmes) et Stenolaemata (Sténolèmes).

Les Phylactolaemata correspondent à des formes dulçaquicoles compilant des caractères ancestraux (corps divisé en trois parties bien distinctes) et ne sécrétant généralement pas de squelette minéralisé mais chitineux. Leur fossilisation est donc exceptionnelle et leur évolution méconnue. Les premiers représentants dateraient du Permien et corresponderaient à des formes d'eau douce dérivant probablement d'espèces marines ancestrales supposées. Gymnolaemata et Stenolaemata partagent plusieurs innovations évolutives qui en font deux groupes étroitement apparentés.  Seuls les Stenolaemata ont toujours produit un squelette biominéral et sont connus à l'état de fossiles. Les Gymnolaemata anciens ne sont que rarement conservés mais leur présence dans les archives fossiles est attestée par les traces laissées dans le substrat par les terriers ou les perforations que ces animaux marins creusaient de leur vivant. Ce groupe a connu une période de radiation post-mésozoïque et il regroupe la plupart des espèces actuelles.

Les bryozoaires les plus représentés dans les archives paléontologiques sont donc les Stenolaemata du fait de la nature carbonatée des zoariums favorisant leur fossilisation. Ils constituent le groupe dominant des faunes de bryozoaires du Paléozoïque et du Mésozoïque. Les Stenolaemata sont des bryozoaires marins coloniaux très diversifiés. La plupart des espèces fossiles du Mésozoïque est rattachée aux Cyclostomata (= Cyclostomates ou Cyclostomides ou Cyclostomes), des Stenolaemata caractérisés par un squelette calcaire entourant complètement la zoécie et par l'ouverture circulaire de celle-ci. À ce propos, le terme cyclostome peut prêter à confusion: employé comme épithète, il désigne des formes possédant des cystides percés d'un orifice et que l'on retrouve dans les trois classes de bryozoaires; employé comme nom de taxon, ce terme désigne une sous-classe de bryozoaires sténolèmes mais aussi un groupe de vertébrés agnathes comprenant les lamproies et les myxines.

Les premiers bryozoaires fossiles connus sont des Stenolaemata de l'Ordovicien inférieur de Chine. Le phylum connaît une importante diversification au début du Paléozoïque. Au cours de cette période, les formes sténolèmes à morphologie branchues dominent et occupent des biotopes marins d'eaux peu profondes, similaires à ceux des coraux coloniaux actuels. A l'exception des Cyclostomata, toutes les lignées de bryozoaires sténolèmes ont été fortement affectées par la crise du Permien. Les bryozoaires sténolèmes cyclostomes connaîtront leur apogée au Crétacé durant le Mésozoique avant de subir la crise biologique qui se produit à la fin de cette ère géologique (fig.5). Ce groupe qui existe encore aujourd'hui n'est toutefois pas le plus abondant dans la nature. Les bryozoaires actuels sont en effet dominés par le groupe des Gymnolaemata dont les représentants ancestraux ne possédaient pas de squelette calcaire. Cette innovation n'apparaît au sein de ce groupe qu'à partir du Crétacé, période à partir de laquelle la diversification s'est amorcée et poursuivie jusqu'à l'Actuel (1000 genres actuels).

Fig.5: Evolution du nombre de genres de Bryozoaires Stenolaemata (Cyclostomata) depuis le Trias (d'après Taylor et Waeschenbach 2015)

Références bibliographiques et sitographiques

Brien P. (1960) - Classe des Bryozoaires - in Traité de Zoologie (Anatomie, Systématique, Biologie), tome V fasc.II, P. Grassé dir. Masson éd.

Canu F. et Bassler R.S. (1922) - Studies on the Cyclostomatous Bryozoa. Proceedings U.S. National Museum, n°2443, vol.61, art.22.

Lecointre G. et Le Guyader H. (2006) - Clasification phylogénétique du vivant - 3ème édition. Belin éd.

Platel R., Meunier F.J., Ridet J.M. (1992) - Des Protozoaires aux Echinodermes. Ellipses éd.

Taylor P.D. et Waeschenbach A. (2015) - Phylogeny and diversification of Bryozoans. Paleontology, vol.58, part 4.

Site web de l'Université de Berkeley (Californie - E.-U.) dédié à la paléontologie.

The Tree of Life Web Project

 



Haut de page